Oban – La Rochelle. Des conditions de rêve. Ou le stress du skipper, épisode 2.
Récit de Gilles :
Oban – La Rochelle. Des conditions de rêve. Ou le stress du skipper, épisode 2.
Lyon – 15 aout 2015 – Ca fait déjà quelques jours que ZERO devrait avoir quitté le Groenland à destination d’Oban en Ecosse où je dois prendre le relais de P. pour convoyer le bateau jusqu’à la Rochelle. La météo et les glaces compliquent l’affaire et une arrivée en Irlande n’est pas exclue. Ca ne m’arrange pas. Les billets d’avion pour l’Ecosse sont déjà pris. En cas de retard l’équipage devra se loger et gérer un changement de lieu d’embarquement. Bien sur c’est la loi du genre et on le sait mais ça fait des frais en plus et tout le monde ne pourra pas l’assumer. Des annulations ne seraient vraiment pas drôles. Je crois que ça serait une première dans l’histoire de ZERO. C’est inquiétant mais qu’y faire ?...
Edimbourg – 19 aout 2015 – Ils sont partis. Vu d’ici la météo semble plutôt bonne malgré une dépression qui semble toutefois moins méchante que prévu sur les animations des sites météorologiques. Des vents de moins de 30 nœuds. Mais le routage semble compliqué pour rester dans les allures et les forces de vent optimales. D’après ce que l’on voit, la dépression a un peu changé de trajectoire et d’intensité. J’espère qu’ils arrivent à récupérer des informations et qu’ils ne vont pas descendre trop au sud. On n’arrive pas à savoir s’ils reçoivent nos messages. Je m’efforce de rassurer S. qui s’inquiète pour eux. Allons ce sont quand même des marins expérimentés et ZERO est capable de supporter bien pire !
West Highland Way – 20 aout 2015 – Plus aucune nouvelle du monde. En randonnée dans les Highlands, pas d’internet, pas de couverture téléphonique. Black out. Je me demande bien où ils en sont et si je vais devoir me transférer vers le sud de l’Irlande une fois arrivé à Oban. Je fais de grosses étapes pour être certain d’arriver avant eux. Je ne suis pas inquiet pour le bateau ni pour l’équipage actuel. Beaucoup plus pour ma croisière à venir. Comment mes équipiers vont-ils prendre la chose ? Quel programme de navigation nous attend ? J’espérais revoir quelques îles écossaises avant de faire du sud mais si on doit partir d’Irlande tout est bouleversé. Bon on verra bien. Le sud-ouest de l’Irlande n’est pas mal et de toute manière pour le moment il n’y a rien d’autre à faire que de marcher vers Oban.
West Highland Way – 22 aout 2015 – J’ai retrouvé du réseau et des nouvelles. Finalement ZERO devrait atterrir à Oban comme prévu mais avec deux ou trois jours de retard. Mes équipiers se sont réorganisés. L’équipage sera au complet Je préfère ça. Apparemment ils en ont un peu bavé avec ces petites dépressions….
Oban - 24 août 2015 – L. nous a dégoté un logement exceptionnel. Le Back Packers Plus. Accueil chaleureux, cadre sympa, tout le confort, organisation et propreté irréprochables, tout ça pour 14 £ petit déjeuner inclus. On connaît Oban mieux que nos poches à force de tournicoter en ville. Dans ces conditions on peut les attendre aussi longtemps que nécessaire. Mais quand même…
Oban - 25 août 2015 – 13h – Avec L. et A. on attend en terrasse, vue sur la baie et le Sound par lequel ils se sont annoncés pour le début d’après midi. On se transfère en direction de la zone de mouillage à l’autre bout de la ville (qui n’est pas très grande). Ils arrivent ou quoi ? Pourvu que le bateau n’ait pas subi de nouvelles avaries après les dures conditions déjà rencontrées en Islande et lors de la traversée vers le Groenland.
Oban - 25 août 2015 – 15h – Les voilà enfin ! La prise de coffre et le débarquement en annexe nous semblent bien longs, vus depuis le ponton. Mais ça y est. Retrouvailles, embrassades. Tout le monde va bien mais ils ont souffert. Nous aimerions monter à bord mais pour eux, une seule envie, débarquer ! Va pour douche, bière, dégustation de fruits de mer et restau. On leur a trouvé un vrai lit en ville avant de prendre le premier train et le premier avion demain matin pour rentrer à la maison. Pour nous c’est l’inverse ? Nous nous installons enfin à bord.
Oban 26 août 2015 – Préparation du bateau, météo, début des Highland Games (concours de cornemuse, sacrée expérience !), arrivée de trois équipiers. On est contents de se retrouver. On fête l’anniversaire de L. le dernier « survivant » de la traversée du Groenland. Qu’est ce qu’on souffle comme bougies sur ce bateau !... Cette fois elles poussent sur un délicieux cheesecake.
Oban – 27 août 2015 – Highland Games au stade ; courses, sauts, tir à la corde, lancer de tronc d’arbre, lancer de rocher !... Tout ça en kilt. Compte tenu de la taille des troncs d’arbre et du poids des rochers, on n’a pas du tout envie de se moquer. Arrivée de F. en fin de journée. Nous voilà enfin au complet. La météo est bonne, demain c’est le départ.
Ecosse, Irlande, Pays de Galles, Angleterre (îles Scilly), France (La Rochelle) du 28 août au 12 septembre 2015. Le découpage des étapes est assez facile à faire car on n’a pas trop de temps devant nous. Huit cents milles en quinze jours. Ca fait une grosse moyenne pour du cabotage. Les jours de retard au départ vont nous manquer. Et si la météo nous bloque quelque part….
On va déjà s’offrir deux jolis mouillages en Ecosse : l’incontournable Loch Tarbert sur Jura et l’immense baie de Bowmore sur Islay. Premier jour les conditions sont plutôt calmes, mais quand même un peu de houle. La moitié de l’équipage est malade. Qu’est ce qui nous attend si la météo se gâte. Pourvu qu’ils s’amarinent rapidement. Il arrive que des équipiers soient malades du début à la fin. Que faire ? Aller le plus vite possible pour abréger leurs souffrances… Heureusement le mouillage à Jura est bien abrité. On devrait être au calme. Mais après il faudra bien tailler la route.
Le lendemain nous contournons l’île d’Islay par l’ouest. Ca bouge, les seaux sont de sortie et les bols de soupe chinoise ne terminent pas tous dans les estomacs. A la pointe sud, une mer agitée est indiquée sur la carte. Effectivement c’est impressionnant. Courants de marée sur des hauts fonds. Tout à coup la mer bouillonne, des vagues se lèvent de nulle part et ZERO avance péniblement face au vent et au moteur. Pourvu qu’on ne tombe pas en panne. Ca serait un coup à se faire pousser sur les cailloux… Les caps sont décidément toujours des coins malsains. Ouf, on finit par y arriver, tout se passe bien. La baie est immense, un fond de sable, peu de profondeur et une météo tranquille. Il y a deux ans nous avions dérapé de cinquante mètres ici mais avec trente nœuds de sud-est. Visite de la ville et de sa distillerie. Nuit sereine en perspective.
Plein sud jusqu’en Irlande. On arrive au coucher du soleil pour profiter d’un joli petit port bien abrité et muni d’un excellent pub. Bien amarré, le bateau ne risque rien. Ile de Rathlin, un endroit à retenir.
Départ à l’aube pour rejoindre l’île de Man au milieu de la mer d’Irlande. Bonne brise au portant. En fin d’après midi un peu de distraction. Un gros bateau nous, fonce dessus. Je manœuvre pour l’éviter mais il continue à nous aligner. Jusqu’à ce que je m’aperçoive que ce n’est pas un pêcheur mais les garde-côtes irlandais ! Une demi-heure qu’ils nous appellent sur le 16. Pas de pot la radio était éteinte… Ils escortent un câblier que nous ne devons pas approcher à moins de trois milles. Bon…Ils restent un long moment à nous accompagner. Et surtout à nous surveiller. Des types qui n’écoutent pas la radio, ça se surveille. Ils se lassent et finissent par nous abandonner non sans nous saluer et nous remercier courtoisement de notre collaboration. Nous reprenons notre cap vers le sud de Man. Pourvu que nous y soyons avant la nuit. Je n’ai pas envie d’arriver dans le noir sur un mouillage inconnu. J’ai les yeux rivés sur la montre. C’est juste mais on y arrive pile. Au moment de mouiller, le guindeau nous lâche. Il avait donné des signes de fatigue au Groenland et après une première alerte il y a deux jours, il fume et dégage une affreuse odeur de brulé. On fait des ronds en essayant de le ranimer et finalement on mouille à la main dans le noir. Si nous devons remonter l’ancre en catastrophe, ça va être sportif. Le mouillage est un peu rouleur mais bien abrité et le ciel est clément. Mais par la suite ?...
Départ de bonne heure. Le guindeau a refroidi, il fonctionne au ralenti. Pas bon signe. Nous quittons l’île de Man sans avoir eu le temps de voir grand-chose. Encore une grosse navigation aujourd’hui. Nous filons vers le sud, délaissant une escale possible à Dublin. La météo est favorable, il faut en profiter. Direction le nord du Pays de Galles. Nous arrivons encore une fois au crépuscule et descendons l’ancre manuellement dans l’espoir de conserver une étincelle de vie du guindeau pour des circonstances plus difficiles. Nous sommes bien abrités de la faible houle d’ouest et à part quelques rafales occasionnelles le vent reste extraordinairement calme. Ca devrait durer au moins jusqu’aux îles Scilly, point de départ pour traverser le Channel. Cette mer d’Irlande nous aura été bien indulgente.
Départ à l’aube et remontée manuelle du mouillage. C’est physique et ça me rappelle le Brésil. Là-bas aussi on y avait eu droit. Nous rejoignons au sud du Pays de Galles une jolie petite crique déjà occupée par un voilier. Nous posons le filet en annexe, surveillés de près par un gros phoque. Pourvu qu’il n’aille pas s’entortiller dedans pendant la nuit. Nous explorons les rochers dans l’espoir de trouver des moules mais rien que des berniques et des petits bulots. Apéro de la mer. Un deuxième phoque. La femelle du premier ? Celui-ci s’approche un peu trop à mon gout quand nous atteignons le fond de l’anse. Son territoire ? Je ne sais pas interpréter son comportement. En tout cas je n’aimerais pas que l’un d’entre nous se fasse mordre. On s’éloigne. Mouillage un peu rouleur mais tout se passe bien. Au matin, divine surprise. Dans le filet nous récoltons une roussette, une vieille, un lieu et deux magnifiques homards.
On repart en fin de matinée après avoir préparé tout ce petit monde et avec le moral au beau fixe pour notre première navigation de nuit. Pas question d’arriver aux Scilly dans le noir. Nous levons l’ancre vers midi en tablant sur la moyenne classique de cinq nœuds. Les conditions sont parfaites. ZERO marche bien. Résultat, à quatre heures du matin nous sommes devant le phare de Tresco et je mets à la cape pour attendre le jour. Prise de bouée impeccable devant Old Grimsby. La première moitié du voyage est derrière nous et dans des conditions idéales. Bonne chose de faite et dans les temps. Deux jours de repos aux Scilly où nous pourrons enfin profiter de l’étape. Ensuite la traversée et les dernières étapes seront plus courtes. Je sens bien que l’équipage a envie de se poser, d’aller à terre et d’en profiter enfin pour visiter et faire du tourisme. Moi aussi d’ailleurs.
Visite de Tresco et de Bryher, deux îles absolument magnifiques. Il fait extraordinairement beau. C’est le moment d’aller mouiller dans les petits recoins dont fourmille l’archipel mais avec notre guindeau en grève je ne peux pas imposer ça aux équipiers. Quel dommage ! Il faudra absolument revenir ici et y passer du temps.
Même timing pour la traversée. Départ en milieu de journée, navigation de nuit pour arriver en Bretagne avec la lumière du soleil levant. Traversée du rail. Il y a du monde dans les parages. Et du gros. On apprécie vraiment les systèmes électroniques qui permettent d’identifier les cargos, leur cap, leur vitesse et les routes de collision. Il fait encore nuit quand on arrive à Ouessant. Les lieux mythiques défilent, dans des conditions de mer incroyablement calmes. Le phare de la Jument, le Fromveur, Molène, les Pierres Noires… Nous filons vers Camaret. Un bon abri est toujours le bienvenu après une traversée. Finalement on ne fait que passer et on va mouiller dans une jolie petite crique juste à côté. Mouillage gratuit et bien abrité de la houle et du vent. Ca grogne un peu pour descendre l’ancre à la main. Vont pas fomenter une mutinerie quand même… La météo est toujours aussi calme. Je dors serein.
Parmi les options nous choisissons de nous arrêter dans les îles : Groix, Belle-Ile et Yeu. Nous serons à La Rochelle à la date prévue. Départ avant l’aube et encore une bonne étape pour rejoindre Groix. Le raz de Sein, aussi calme que ses prédécesseurs. Le dernier gros souci est derrière nous. Nous passons devant les îles de Glénan dans la pétole et filons à Port Tudy pour éviter le mouillage et les rafales annoncées pour la nuit. Il est tard quand nous arrivons et mauvaise surprise, le port minuscule est bondé. Heureusement l’équipage d’un autre voilier sans doute en rupture d’apéro nous aide beaucoup à nous amarrer sur les tonnes avec leur annexe. On est bien gros et bien lourd par rapport aux autres qui ont pris les places les plus faciles. Manœuvres un peu scabreuses dans l’obscurité mais par chance le port est totalement abrité du vent. L’équipage était plus stressé que moi, pour une fois.
Balade à terre et départ pour Belle-Ile. Enfin une navigation tranquille. Trente milles à courir. Autant dire rien. On oublie le joli mouillage de Ster-Vraz qui est bondé et on s’amarre sur bouée devant Sauzon. Soirée crêperie. Les vacances !
Les deux dernières étapes sont une formalité. Pétole. Quasiment tout au moteur. Mouillage paisible à l’île d’Yeu, passage sous le pont de l’Ile de Ré. Arrivée en slalom à La Rochelle au milieu d’une flotille de planches à voile, dériveurs et petits croiseurs. Jamais vu autant de monde sur l’eau ! Dernière petite inquiétude pour prendre le ponton avec un petit vent latéral qui s’acharne sur le nez de ZERO. On finit par y arriver. Ouf. On va pouvoir décompresser.
Et maintenant, place aux ouvriers.
Gilles
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