la balade de ZERØ à l'infini

ZERØ poursuit ses navigations entre les iles de l'archipel des Açores et plusieurs équipages se sont succédés. Après Ejvind qui partageait son expérience lors du convoyage de Granville à Horta, Christine nous transmet les pensées d'une bien jolie habitante des mers insulaires.

CETACEA

Je suis Cetacea, la baleine. Je vis dans l’archipel des Açores, bien loin de la France

Là, en été, les eaux sont chaudes et le ciel très souvent bleu. De nombreux navigateurs y font escale lors de leur traversée de l’Atlantique. Ils y laissent une marque de leur passage, une peinture qu’ils créent qui contient le nom du bateau et de ses équipiers. J’ai vu des centaines de ces œuvres d’art, le long des quais ou sur les quais, témoignages des aventuriers laissant vivre en nous un peu de leur histoire et de leur rêve. Une d’entre elles a particulièrement attiré mon œil, orange, bleu, blanc, noir et gris. Voilà les cinq couleurs de la composition du voilier ZERØ. 2012, les couleurs se sont usées sous les regards et la météo salée. Et voilà que ZERØ est à nouveau là aujourd’hui. J’ai suivi ses pérégrinations depuis Ponta Delgada jusquà Horta pendant deux semaines de fin juillet au 11 août. Un séjour bien rempli ! Un équipage familial : Camille, Augustin, Pierre-Marin, Pierre-Emmanuel, Mousson et deux jeunes demoiselles baptisées souris bâbord et souris tribord par leur grand-père et capitaine du bâtiment, Bertrand (officiellement Léopoldine et Madeleine). Beaucoup de découvertes pour ces petites filles, premier avion, première navigation !

Les déplacements en voiture ne sont pas une punition, les routes sinueuses sont bordées d’hortensias et de cyprès japonais au feuillage plus ou moins touffus. Aux Açores, on pense à la Réunion, reliefs sous une végétation luxuriante se jetant dans la mer. Des champs bosselés par la lave sur lesquels paissent les animaux. On pense aussi au Japon, c’est le clin d’œil du volcan Pico au mont Fuji avec sa couronne de nuages qui peut être également coiffé de blanc, en hiver ! Paysages coloriés de vert, bleu, noir, aux senteurs de figue, de basilique. Les éruptions volcaniques (pas si lointaines ) ont laissé la pierre noire pour la construction des maisons et des murets protégeant les vignes. Le musée du vin à Terceira, un îlot de noir, de vert, de rouge, éclatant sous le soleil. A Pico, ces hectares de vigne sur le littoral, les murets tordus par le travail des hommes, labyrinthes mystérieux dont l’horizon se jette dans la mer… Un sentiment de lutte des hommes transmise entre générations. Nous sommes entrés dans la gorge d’un de ces cracheurs de feu et de terreur sur Terceira. S’enfoncer jusqu’où ? Le voyage n’était proposé jusqu’au centre de la terre qu’au simulateur sur l’île Pico avec tremblement de terre de 7.2 sur l’échelle de Richter, déjà impressionnant !

J’ai vu les fillettes avec leurs flotteurs et tout l’équipage se baigner dans les piscines de lave. La nature ou la nature aidée par l’homme a établi ces petites étendues d’eau bordées de remparts de lave contre la mer tumultueuse. Je suis trop grosse pour y entrer… Des douches sont à disposition pour se rincer. Tout est propre. Il est aussi souvent possible de manger un morceau à proximité et de découvrir le vin local.

J’ai vraiment fait la connaissance de cet équipage au large d’Horta (île Faial) (J’avais fait un brève apparition entre Sao Miguel et Terceira). Sachant que j’étais dans les parages, ils m’ont cherchée en voilier mais ne m’ont pas trouvée. J’aime bien jouer à cache-cache et puis, quand même, jusqu‘ en 1984, on nous plantait un harpon dans le dos et l’on devenait un héros. Alors, mes aïeuls m’ont transmis leur méfiance. L’équipage a néanmoins pu admirer un magnifique coucher de soleil. Et hop ! En quelques minutes, il était parti. Donc, le jour de notre rencontre, ils ont gagné le large en gros semi-rigide avec une biologiste et un pilote. Souris bâbord et souris tribord étaient à l’avant et j’entendais leurs éclats de rire lorsque le bateau prenait de la vitesse. Ils ont changé plusieurs fois de spot avant que je décide de lancer un jet d’eau pour me faire localiser. Des cris de joie arrivaient jusqu’à moi. Je n’aime pas lorsqu’il y a trop de bruit mais la joie des enfants me donnait un immense plaisir et je me suis laissée approcher plusieurs fois. Je leur ai surtout montré mon dos et ma queue mais ,moi, j’ai pu apercevoir les jolis petits visages émerveillés. Après un moment, ils m’ont laissée et sont partis rechercher la compagnie des dauphins et ils les ont trouvés. J’entendais des Là ! Là ! Là avec les doigts pointés vers ces gracieux animaux les gratifiant de leurs sauts, plongeons, en double s’il vous plaît ! Merci, merci, pour ces moments de magie, mer mercure à tribord et d’argent à bâbord.

ZERØ a été doux avec son équipage et ses petites stagiaires, peu de vent et les longues traversées ont été faites de nuit (merci Bertrand et Augustin !) pendant que mes amies les baleines accompagnaient les petites filles dans leurs rêves. J’ai vu Augustin donner quelques coups de pinceaux sur le « tableau » de ZERØ. Il est, m’a-t-il soufflé, volontaire pour revenir l’entretenir.