Spitzberg suite
Mardi 20 Juillet
Toujours plus nord. 77, 78, 79 degré nord. On continue notre progression en direction du pole nord, mais on s’arrêtera avant, promis. De toute façon, avec la banquise au 82°N, on ne pourra pas aller plus haut. Longyerbyen est maintenant derrière nous. C’est quasiment la première fois depuis que nous sommes partis de Tromso le 7 Juillet que nous avons froid. Il pleut, c’est humide. Le chauffage ne peut pas être mis en route en navigation. Uniquement au mouillage ou au port. Donc il fait 10 à l’intérieur. Et 4 dehors.
On boit des thés brûlants régulièrement. On est content quand il y a une manœuvre à faire. Ca réchauffe. On monte en latitude : On court après les ours. A Longyerbyen, nous avons retrouvé quelques bateaux de connaissance qui nous ont indiqué les bons spots. D’abord les morses. Donc, on y va.
Alors que j’écris ces mots dans le froid, je ne peux m’empêcher de penser :
Mais ils doivent me prendre pour un fou, ceux qui en France crèvent sous la canicule.
C’est vrai, on en chie un peu : le froid, la pluie maintenant, souvent le brouillard, on ne dort pas très bien, à moitié à cause de l’absence de nuit, à moitie parce qu’on veut profiter de tout les instants. Et puis, on vit décalé, alors, on est un peu perturbé. C’est vrai, c’est un peu dur. Alors pourquoi fait on cela ? M…, il est ou le plaisir quand il fait froid, qu’il pleut et qu’on n’y voit rien ? Bon, il y a des compensations, …… plus tard …. Heureusement, sinon …
Les paysages : ici, ce serait présomptueux de les qualifier de beaux. Sous la grisaille, ils sont gris et tristes. Mais ils sont majestueux et inspirent le respect. Des glaciers énormes, monstrueux, impressionnants, quand ils se jettent dans la mer, c'est-à-dire quasiment dans chaque vallée, donc partout.
C’est étonnant, mais depuis que nous avons dépassé Longyerbyen, nous croisons plus de bateau. Au grand désarroi de Christophe, tous les jours, nous voyons quelques bateaux. Je rassure tout le monde, ce n’est pas Porquerolles en Juillet, mais pratiquement à chaque mouillage, aux jumelles, il est possible de voir 1 ou 2 bateaux.
Mercredi 21 Juillet.
On nous avait informé de la localisation d’un endroit ou nous pourrions voir des morses. Sur une langue de sable, près d’une petite île. Et on les a vu. Mission accomplie. On voit souvent ces animaux à la télévision et dans les reportages donc je ne vais pas raconter ou en rajouter. Bon, je confirme, ils sont gros et gras : les doudous comme les appellent Angélo. En revanche, ce qu’on ne sait pas forcément, et pour cause, c’est que ces animaux dégagent une odeur abominable. Impossible de rester sous leur vent. Une odeur de pourriture et de charogne se dégage d’eux. Une infection.
Le même jour, on entre dans un fjord, s’approche d’un glacier et découvrons des phoques se prélassant sur la glace. Ne reste que les ours.
Le soir, on arrive a Ny Alesund. Une base scientifique relativement grande. C’est le lieu habité toute l’année le plus Nord de l’île et peut être même du monde. On trouve un quai, 2 autres voiliers sont déjà là, on s’amarre à couple. Il est 1 heure du matin.
Jeudi 22 Juillet :
Je suis réveillé vers 8 h par un haut parleur et un bruit de moteur. J’essaie de reconnaître une langue connue, je pense qu’il s’agit de l’allemand. Je crois comprendre frustuck (petit déjeuner), mais je ne suis pas certain, mes notions sont trop faibles pour comprendre correctement. Je me lève, sors dans le cockpit et vois, face à moi, un mur blanc. !!!! Merde du brouillard. Non, c’est le flanc d’un énorme paquebot de touriste qui a accosté sur notre quai, coté mer. !!!!! Il commence à vomir sa horde de touristes. Je suis éclaté de rire en pensant à Christophe. Lui qui ne rêve que d’aventure, d’isolement, de découverte, … un paquebot plein de touristes, ici, par 79 ° nord !!! Il n’y a malheureusement (ou pas ?) plus de terre a découvrir, et la démocratisation du tourisme favorise ce genre de chose. On peut s’en réjouir, mais cela casse un peu le mythe quand même, c’est vrai … Le pire arrive alors que Christophe émerge. Un membre de l’équipage déguisé en ours polaire attend les passagers au pied de la passerelle à leur retour de balade. Tous, un a un, ils se font photographier avec lui. Et a mon avis, ZERO est en arrière plan. Je suis mort de rire. Pas Christophe !!
C’est le soir (vers minuit quoi)
Nous avons mouillé dans un endroit charmant. Bien a l’abri d’une langue de sable. Non loin d’un glacier. Peu de temps après, nous avons la surprise de voir arriver un zodiac avec 2 personnes a bord. Nous comprenons vite que ce sont les gardes cotes : les sysselman. Nous sommes en règle, possédons les documents nécessaires à la navigation dans ces contrées. Ils montent a bord et après les vérifications d’usages commencent à discuter. Il s’agit d’un garde policier et d’un scientifique. Ils vivent tout l’été dans une cabane proche et sont chargés de surveiller les cotes, et de procéder à quelques observations scientifiques. Ils ont été débarqués début juin et repartiront mi août. Sans aucun réapprovisionnement possible. Ils ont 8 fûts d’essence et les réserves en nourriture suffisante. Il y a 2 autres ‘’ couples’’ comme cela ailleurs sur l’île. Nous allons passer 2 soirées ensemble, parler du Spitzberg et de leur vie. Nous leur laissons 2 concombres et 1 gros fromage. Ils nous donnent un laisser passer pour aller visiter un site abandonné a quelques milles de la. En attendant nous sommes dans un endroit nommé ‘’trinité’’. Une ancienne base baleinière utilisée au 17ème siècle par les anglais, les hollandais, et le norvégiens. Il y a des restes de leur passage et une centaine de tombes de marin, majoritairement mort du scorbut.
Vendredi 23 Juillet.
Aujourd’hui, nous avons rendez vous avec les ours. Les gardes cotes nous ont informé de la présence d’une baleine échouée morte depuis 2 ans. Une dizaine d’ours s’en servent de garde manger. Depuis ce temps, seul reste la viande immergée, et encore, difficilement accessible à marée basse. Elle se trouve, sur la rive ouest d’un fjord au fond duquel il y a un glacier. Cap est mis dans cette direction. Le soir, nous arrivons sur zone et ne trouvons ni baleine échouée ni ours. On fait des ronds dans l’eau, jumelles aux yeux, sans résultats, cherchons encore pour finir par mouiller dans un lieu abrité à 600 mètres du lieu supposé.
Angelo, avec ses yeux de lynx, ne lâche pas les jumelles et au bout d’une heure s’écrit : des ours !!!, là sur la crête , ils descendent vers la mer. Une mère et son petit.
Exact, et c’est même 2 mères et leurs petits qui se dirigent nonchalamment vers la berge. Et c’est seulement là, que nous découvrons la carcasse de la baleine. Elle ne découvre qu’a marée basse.
Nous les observons durant 3 heures. Plus tard, c’est un mâle qui descend et va plonger pour remonter un énorme morceau de viande. Galant animal.
Le lendemain, 2 autres mâles viendront et nageront presque jusqu'à nous.
Samedi 24 Juillet.
C’est le grand jour. Apres une ultime nuit au mouillage ou nous avons vu les ours, nous appareillons pour notre dernier voyage vers le nord. L’île de Mofen. Un atoll de 2 milles sur 3, au nord du spitzberg. Il est parait il rempli de morses. Nous y arrivons vers 18 heures, mais, comme nous l’imaginions, impossible de mouiller. Aucun endroit tranquille, et abrité. Le temps d’immortaliser les lieux, de sentir la bonne odeur de pourriture des autochtones et nous repartons. Nous sommes donc monté jusqu’au 80° 02N. La banquise est à 120 milles au nord ( photo) et le pole à quelques 400 milles plus loin. Il fait froid. Pas loin de 0°. Demi tour, Back home.
Le GPS me dit que Simandres est à 3200 kms. !!!
Donc, maintenant, cap au sud, au chaud, au soleil. Et il restera de belles images et de beaux souvenirs.
Mercredi 28 Juillet
Nous sommes proche du sud du Spitzberg. En attente d’une fenêtre météo favorable pour traverser. Depuis que nous avons mis du sud dans notre cap, j’ai un sentiment étrange. Alors qu’il y a encore 10 jours en direction du nord, j’avais l’impression de vraiment partir à l’aventure dans le grand nord. Maintenant que nous avons fait demi tour et nous revenons sur nos pas, j’ai l’impression d’être en terrain connu, facile, presque les alizés. Comme si nous naviguions en direction des mers chaudes des antilles. J’ai l’impression que nous avons fais le plus dur et que maintenant, ça va rouler tout seul. Il ne faut pas que je me laisse griser. Les vents peuvent être violent ici, la météo capricieuse, et il y a encore de la route jusqu'à Bordeaux ! Nous sommes encore très nord.
Mardi 3 Août
Nous voici revenu en Norvège. Apres une traversée relativement peu ventée de 3 jours pile poile. Amarrage au ponton d’un petit port de pêche. Du calme après l’agitation de ces dernières 72 heures ; la mer ne nous a pas épargnée, agitée et avec du courant.
Puis, on retrouve un mouillage tranquille, un petit déjeuner pris dans le cockpit malgré les 12° dehors. Un peu de chaleur, et même du soleil. L’atmosphère est différente, plus sereine. Je ne réalise pas encore ce que nous avons vécu au Spitzberg. Je constate juste que maintenant tout semble plus serein et plus calme. Il n’y a plus la tension du aux glaçons, au froid, aux vents catabatiques, à l’isolement. Comme si nous avions vécu un peu hors du temps pendant 1 mois.
Et puis, nous avons repris la pêche. 5 belles soles prises en ¼ d’heure et un pêcheur voisin qui nous apporte 2 énormes morues. Un sérieux décrassage, complété d’une lessive gigantesque dans la rivière d’eau douce glaciale qui se jette non loin, et enfin, une redescente sous spi a 6,5 nœuds dans les fjords.
Il est aussi là le plaisir. Décuplé par les difficultés relatives de notre séjour boréal.
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