Kalamata-Syracuse, un petit goût de liberté
- Article rédigé par Eyjvin. Février 2021.
Pas évident de quitter la France pour la Grèce ! Quelques incertitudes, quelques doutes, mais l’envie de prendre le large est la plus forte… Alors on finit par se retrouver tous les trois sur Zéro, à Kalamata, après maints échanges de textos, de mails et autres supports du monde, pour s’encourager à passer les pont-levis.
Un lundi matin de février
En sortant du port, l’air était doux, la brise légère, un avant-goût de printemps. Pourtant, il suffisait de regarder les sommets enneigés pour se dire que la bascule vers les beaux jours avait été récente.
Pour l’heure, la baie de Kalamata respire le bleu et le soleil. Philippe a simplement informé les garde-côtes de notre départ. Notre bateau est le seul à sortir. D’autres équipages, coincés ici depuis des lustres, nous voient appareiller, certains, on le sait, avec envie. La Grèce est confinée, il fait bon d’aller chercher ailleurs un peu de liberté de mouvement.
Le plaisir de passer d’un pays à l’autre à bord d’un voilier, sans plus de formalités, loin des aéroports stressants ou autres garde-frontières, est encore décuplé par ces temps troublés du Covid et ces assommants brexiters et leurs émules. Je ne sais pas vous, mais moi, je mesure la chance de passer les frontières sans plus de cérémonie.
Qui est à bord de Zéro ? Le capitaine Philippe, « lo scrittore » de ces lignes, et Bertrand, qui doit prochainement faire partie du cercle restreint des co-skippers de ce joli voilier.
Passé la pointe sud-ouest, à 25 milles du port de Kalamata, le vent arrive et ne nous quittera plus. Si ce n’est quelques heures en fin de la seconde nuit et la toute dernière approche de Syracuse. Aucune voile en vue mais pas mal de cargos croisés qui remontent vers l’Adriatique.
Le vent s’est installé ouest et nous oblige à négocier un près efficace. Vitesse contre cap… Des compromis, toujours des compromis. Pour un vent de 10 à 17 nœuds, le voilier nous aura assuré une vitesse moyenne de 7 nœuds. Ce qui est plutôt confortable !
Bertrand, pendant son quart de la première nuit, aura eu la chance de voir une explosion de l’Etna. Un phare incandescent qui nous ramène à l’antiquité.
La vie s’organise. L’équipage prend ses marques.
Bonne bouffe mais aucun poisson ne s’invite à notre table.
Quelques inquiétudes sur l’état de la cave... corrigées par le tonneau de rhum que Philippe gardait précautionneusement en réserve sous sa couchette. Il aura survécu à une transat mais on le met en perce pour tester son degré. Avis aux suivants, il en reste quelques litres en cas de disette… Et il titre bien ses 50° !
Arrivée à Syracuse… Les cafés sont ouverts !
La baie, bien sûr, la baie. Le site est exceptionnel. Les façades sont ocres, roses et jaunes… parfois décrépites. Des terrasses, des bas-reliefs mystérieux, c’est la douceur de vivre et les couleurs vives des agrumes du sud. Seule fausse note au tableau, un immense paquebot, en escale forcée, gros comme un quartier, qui bloque la vue et nous rappelle que nous vivons une parenthèse sans touristes.
Ici, les sens sont en éveil. La ville est à voir, à entendre, à se sentir… et ce putain d’air dans la tête qui ne veut plus me quitter. Ah vraiment, merci Henri pour ton Syracuse !
Il faut se perdre dans la ville. On dirait un petit Venise sans les canaux. La mer est tout autour. Même la ville récente a ses charmes et ses trésors culinaires à découvrir. Via Malta, au 92, une petite échoppe tenue par une sicilienne prépare une Caponeta sublime de goûts grillés, d’olives et d’épices douces. Des aubergines, des câpres, des carottes… Sans oublier le vinaigre de vin blanc et d’autres subtilités aromatiques comme le céleri branche et les oignons, et tous ses petits secrets qu’elle n’a pas voulu me dire.
Enfin, le marché. Giuseppe, à l’entrée de la rue sur le trottoir de droite, propose un petit vin blanc, des anchois, de la boutargue et tant d’autres « délicatesses » dont on a du mal à se lasser.
Bref, une bonne étape sur Zéro. Mais il est temps de repartir ! Pour, j’espère, mieux revenir !
Hop, j’oubliais le chapitre des coïncidences. Philippe a travaillé comme ingénieur dans une des usines Siporex dont s’occupait mon père, il y a une trentaine d’années. Un brevet suédois de béton cellulaire qu’il a mis en œuvre à Bernon, dans le Gard. J’y ai même fait un stage de petit étudiant ébloui et enivré d’un soleil du Sud que je ne connaissais pas.
Et dans le même chapitre, un autre Giuseppe. Un expert maritime sicilien qui a rencontré Zéro. Il en est tombé raide dingue au point de vouloir s’en faire construire une réplique. Ce même Giuseppe a acheté le RM 10,50 d’Etienne, le frère de Bertrand. Le voilier Thamam que j’ai convoyé de Lorient à Thessalonique en 2015… En prenant tous les chemins de traverse possibles…
Inscrivez-vous au site
Soyez prévenu par email des prochaines mises à jour
Rejoignez les 460 autres membres