De Gijón à Bilbao : une histoire de tortillas et d'orques curieuses (du 18 au 25 juillet 2025)
Deux plumes, deux regards croisés, et un carnet de bord pour profiter de paysages merveilleux. Entamons un voyage entre falaises verdoyantes, et mouillages paisibles dans les ria espagnoles. Une navigation courte mais intense, au nord de l’Espagne, entre les Asturies, la Cantabrie et le Pays basque. Bertrand, épaulé par Eymeric, Jean-Bap, Christine et Sylvain, mènent ZÉRØ d’escale en escale entre tortilla au petit-déj’, balade à pied jusqu’au mouillage suivant, et rencontres impromptues… y compris avec un groupe d’orques, venu frapper les safrans pour pimenter l’aventure.
Et viva España !
Six jours de navigation et que de découvertes ! À vos cartes ! Trois régions espagnoles accostées : l’Asturies, la Cantabrie et le Pays Basque. Quatre équipiers, Sylvain, Eymeric, Jean-Bap et Christine sous le commandement du Capitaine Bertrand pour vivre cette aventure. Bertrand a « la baraka » comme il le dit lui-même, un vent fort d’ouest pour pousser Zérø de Gijon à l’ouest vers Bilbao à l’est. Les longues journées de mer et les étapes courtes se sont alternées pour parcourir au total 120 miles nautiques. La mer et les sommets en fond de tableau.
L’autocar arrive après 5 heures de retard ; au moment où je m’apprêtais à renoncer. La machine avale les routes à toute vitesse pour rattraper le temps perdu, délaisse les pauses, les escales, les ravitaillements. Le mal des transports précède le mal de mer. J’ai la nausée en arrivant à Gijón, le ventre vide, privé de sommeil pendant quasiment 24 heures. Mais la vue de ZERØ fait oublier tout ce périple. Il est là, stationné près de collègues français en Sun Odyssey 54, bien décidés à accueillir la fin de la Transgascogne des Mini 6.50 à coup de casseroles et corne de brume. Il est 21h la ville s’anime. L’équipage d’André a le plus beau des accents ; celui du Midi.
Nouvelle journée, nouvel équipage. Commence alors la danse rituelle des équipiers qui se rencontrent, tâtonnent avec prudence et s’apprivoisent avec bienveillance. L’épreuve de l’avitaillement est toujours en ce sens révélateur, mais Jean-Bap prend les choses en main. Armé de son smartphone et d’un peu de ChatGPT, il dresse une liste taillée sur mesure pour notre équipage. Puis, il dénichera le meilleur supermarché et en fin connaisseur de la culture espagnole, remplira nos provisions des meilleurs produits locaux. La réputation qui le précédait n’était pas usurpée, il aura tôt fait de nous entraîner dans les meilleures adresses de la ville.
Notre guide hispanophone Jean-Bap nous a organisé une journée d’immersion dans l’ambiance espagnole à Gijón, déambulation dans la ville aux maisons colorées de style moderniste (Gijón Modernista), déjeuner de tapas… Moins de chance ce dimanche soir où nous avons mis, sans désespérer, une heure trente avant de trouver un endroit pour dîner. Les manœuvres maritimes ne nous avaient pas encore affamés !
Gijon est un mystère. Une architecture moderniste sans grand charme, mais à l’ambiance particulière. Les immeubles anciens se juxtaposent aux nouveaux. La ville se remplit et se vide au grès des heures comme un système de marée. L’heure est espagnole ; c’est-à-dire décalée. Les habitants apparaissent autour des heures de repas tardifs, puis disparaissent pour aller faire on-ne-sait-quoi (peut-être la sieste). Les rues sont désertes, les cafés, vides. Quelques solitaires locaux prennent un café pour lire le journal, les promeneurs sont rares. À peine le parc qui surplombe la ville est investi alors que les températures sont particulièrement clémentes. Puis vient l’heure de l’apéro ! Les rues, les bars et les restaurants sont brusquement envahis, et même notre guide du bord se cassera les dents pour nous dégoter un endroit où manger.
Le vent et la pluie ont cogné le bateau cette nuit. Quand nous projetons de larguer les amarres, les bourrasques latérales promettent de nous envoyer contre notre voisin. Même la capitainerie n’est pas enthousiaste. Mais c’est sans compter, nos amarres passées en double et la maîtrise de Bertrand qui sort le bateau délicatement malgré sa prise au vent. Nous quittons le port en marche arrière, un petit tour, et nous voilà prêts pour larguer les voiles et partir au grand largue.
Le bateau réagit très bien au portant dans une mer agitée, mais qui ne posera aucun problème aux consommateurs de Stugeron. Notre quinzaine de miles a été engloutie en 3 heures.
Cette côte nord est la Bretagne de l’Espagne. Notre première nuit a été arrosée et nous avons vécu quelques petites ondées durant cette semaine. L’impression générale est néanmoins de beau temps sans que les températures ne soient accablantes. Après deux heures de mer, le village de Tazones nous fait un clin d’œil du fond de la baie. Nous avons bien remarqué tes maisons blanches et tes toits rouges ! Oui, nous irons ce soir à ta rencontre par la terre. Nous remontons la rivière pour arriver au mouillage, tranquille, bleu et or. Les ronces laissent leur signature sur nos jambes dans notre marche vers Tazones. Les vaches et les taureaux nous regardent passer de leur air tranquille, une campagne bien entretenue, des maisons aux parterres bien nets. Le village est plein de charme, les rues de guingois, les terrasses, les fleurs, les coquilles St Jacques sont à l’honneur pour la décoration. Un des habitants y a construit une somptueuse maquette du village. Nous revenons vers Zerø à la tombée de la nuit, des effluves florales nous accompagnent.
Debout, les gars, grande journée de navigation aujourd’hui ! Pour sortir de la rivière, nous passons une barre impressionnante. No stress, tout a été anticipé, sauf peut-être les surfeurs mais aucun n’a la mauvaise idée de se placer devant le bateau. Vent arrière vers San Vincente de la Barquera, les voiles sont en ciseaux. Le bateau file un peu vite pour la pêche mais pas pour celle au goéland, bravo Jean-Bap, cela ne fera pas notre dîner !
Les montagnes défilent et plongent dans la mer. La houle est un peu plus établie que la veille, légèrement de travers. Mais impossible de ne pas contempler le panorama qui défile devant nos yeux. D’immenses falaises verdoyantes précèdent des sommets escarpés. Le randonneur en moi se met soudain à désirer la terre, quand le marin possède la mer. A bord, le silence est révélateur de la majesté du moment. Jean-Bap lâche ses lignes de pêche, mais c’est un jeune goëland qui confond l’appât avec un poisson. Le cœur serré nous tirons sur la ligne pour le ramener à bord. Eymeric, armé d’une pince, retirera délicatement l’hameçon du pauvre volatile paniqué, avant qu’il ne reparte.
Huit heures de mer. Nous arrivons sous un ciel gris. Le mouillage, très calme, s’enfile entre une plage et un banc de sable.
Le ciel se couvre, mais le faible tirant d’eau de ZERØ nous permet de pénétrer l’embouchure de la ria de San Vincente de la Barquera. A l’abri du vent, avec un panorama splendide, que même le bar d’à côté (pourtant réputé pour son coucher de soleil) nous enviera. C’est Eymeric qui se charge du concert ce soir à bord en empoignant la guitare laissée dans le voilier. Les vivres sont mobilisés par les talents culinaires de Christine et Jean-Bap qui nous signent des dégustations locales et étoilées.
Au « petit » matin de l’heure espagnole, Bertrand regonfle l’annexe. Il part chercher le pain. Mais, inspiré par les recommandations de Jean-Bap, c’est bel et bien une tortilla qu’il ramène pour le petit-déjeuner. La boulangerie près du camping à l’écart de la ville n’usurpe pas sa réputation ; elle est absolument parfaite et prépare notre débarquement.
Visite de la ville, très pittoresque avec ses vues plongeantes sur les lagunes, son château de 1213, son église. Dégustation de tortilla à bord, nos horaires et nos habitudes alimentaires deviennent espagnols ! Sylvain et Jean-Bap partent à pied vers notre prochain mouillage, Ensenada de la Rabia, à trois miles nautiques. Beaucoup de rouleaux et de surfeurs dans ce mouillage. L’endroit de récupération des randonneurs doit être effectué avec soin !
A peine débarqués avec pour mission de ramener du pain, nous voyons ZERØ quitter San Vincente de la Barquera. Une dizaine de kilomètres, sur les crètes du littoral et au bord du littoral nous attendent. Quelle curieuse idée de rejoindre à pied le prochain mouillage ! Mais la promesse de beaux paysages et la contemplation de vagues qui s’éclatent contre les rochers valaient le détour. Sur la plage, balayée par les rouleaux, la récupération s’avère plus compliquée. L’annexe ne peut pas arriver jusqu’à nous. Bertrand nous jette son sac étanche, nous y fourrons nos affaires, et nous nous avançons dans la mer pour pouvoir rejoindre l’annexe au-delà des déferlantes, sous l’œil médusé des locaux.
À bord, la mer nous berce jusqu’à un certain point, le roulis s’avérant particulièrement inconfortable dans les bannettes avant… À ce roulis, s’est peut-être ajoutée notre conversation de la soirée pour perturber notre sommeil. La veille, une attaque d’orques non loin là où nous devons passer le lendemain. Que faisons-nous si cela nous arrive ?
Le mercredi matin, le ciel est gris, la mer est grise, mer agitant ses coiffes de dentelle. Nous filons à neuf nœuds au grand largue. Le soleil se lève et nous profitons de ces instants où il fait si bon être en mer. Jean-Bap a pêché une bonite, ceviche pour ce soir ! chacun se laisse bercer. Les fruits dans leur filet à l’extérieur rythment ce moment de leur mouvement de va-et-vient.
Un « boum » retentit à l’arrière du bateau. Le silence se fait. Nous guettons le sillage du bateau pour apercevoir un tronc, ou un OFNI qui aurait heurté les safrans. Personne ne dit rien. Mais la tension augmente d’un cran.
Deuxième « boum », deuxième coup de semonce. Qui nous sort de la sidération. Le doute n’est plus possible. Nous le savions possible, mais de là à penser que ça nous arriverait… Non, pas à nous. C’est toujours aux autres que ça arrive.
Troisième « Boum ».
Trois coups sur le safran tribord. Eymeric : « c’est une orque !». Coup aussi à l’estomac. Nous appliquons les consignes que nous nous sommes données la veille : désactivation du pilote, gilets de sauvetage et longe, sortie des marteaux pour frapper sur la coque et les éloigner si besoin. Nous prenons du vent et nous éloignons, elles ne nous poursuivent pas.
Plus de cétacé à l’horizon. Mais la présence des orques plane au-dessus de nous. Les yeux sont rivés sur cette mer de dentelle, où il est difficile de distinguer un aileron avec précision. Les minutes passent, puis les heures… Plus rien. Nous spéculons. Comme tant d’autres avant nous. Était-ce la ligne de traîne qui a attiré les animaux, ou le bruit du pilote ? Dans le doute, nous avons tout rangé.
Évidemment, l’événement a alimenté les conversations… Arrivés au port de Bilbao, les employés nous disent qu’il y a des attaques tous les jours et que les bateaux attaqués ont une ligne de traîne. Alors… La prochaine fois ?
Notre séjour s’achève avec la visite de Bilbao, la cathédrale, le musée Guggenheim et « A Table !» dans ce merveilleux petit quartier du bout de la plage.
Hasta Luego, amigos!
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