Voyage Shetlands et Orcades du 17 mai au 26 mai 2019.
Article rédigé par Karin Welschen, membre de l'équipage d'ornithologues, durant ce séjour .
Une rencontre. Philippe et Christian sympathisent lors d’un « blabla car ». Ils parlent de voyages et d’oiseaux. Un courant passe entre les deux hommes. Un premier voyage en Islande en juin 2018. Philippe propose alors une expérience sur son voilier : combiner une découverte ornitho en voilier dans les Shetlands et les Orcades. C’est tentant !
Le groupe est vite constitué, nous sommes 7 à partir. Et sans expérience aucune ! Sauf en ornithologie.
Quatre Belges, une Française et nous deux belgo-français.
Philippe, le capitaine ou skipper, nous attend à Lerwick aux Shetlands le samedi 18 mai pour nous embarquer sur son voilier. Après une traversée de nuit en ferry d’Aberdeen à Lerwick, nous arrivons à 7h30, nous devons, ma foi, trouver le bateau « Zérø infini ». Après avoir marché avec les sacs durant ¾ d’heure (certains ont pris le taxi !) nous apercevons au loin le voilier. Première impression : un haut mât qui dépasse dans le ciel gris chargé d’humidité. Il est beau avec son nez fin, ses grands hublots qui donnent de la lumière à l’intérieur, il donne confiance. Il faut y monter sans accrocher les cordages, en faisant attention à ne pas faire tomber les sacs, ne pas perdre ses chaussures ou son écharpe volant dans le vent.
Nous découvrons le pont et ses cordages, le mât et ses belles voiles. Philippe nous attend, il doit encore nettoyer car il revient d’un voyage en Norvège.
Une petite balade dans la ville de Lerwick toute de gris déguisée avant de nous installer dans nos cabines respectives : une cabine pour chaque couple (matelas de 1m20) et une cabine de quatre qui sera partagée entre le skipper, Luc, Françoise et Marie-Nöelle. Bien que cette dernière ira le lendemain dormir dans le séjour, notre amie Françoise un peu sauvage avec elle !
1ère nuit sur le bateau.
Le lendemain (dimanche 19 mai), nous décidons de nous promener un peu sur la lande, vers Walls et le Loch de Spiggie. Paysages austères entre mer et air. Falaises verdoyantes, rochers et petites routes pittoresques. Dans le ciel une bataille entre labbes et goélands, magnifique spectacle voltigeant. Vols et cris des bécassines des marais. Paysages rugueux, végétation rase, moutons et agneaux partout. Quelques maisons forment le hameau.
2ème nuit… Clapotement de l’eau sur la carcasse du bateau. Bercement sur les vagues. On s’habitue doucettement à dormir à l’étroit.
Le lundi 20 mai. Réveil très matinal. Nous profitons encore des douches du port car nous partons cette après-midi affronter la mer et ses remous. C’est à voir si nous serons malades !
Quelques courses pour plusieurs jours. Il faut penser à tout, puisque nous n’aurons plus de village avant vendredi. Tout est rangé dans un frigo, casiers, armoires, tout trouve une place. Ce bateau est vraiment bien pensé, conçu pour la haute mer.
Nous partons enfin, nous sommes tous heureux de « mettre les voiles » mais nous ne savons pas encore comment cela va se passer alors que nous sommes confinés sur cette coque de 17 m de long.
Nous ancrons dans la baie face à l’île de Noss, vierge de toute habitation, à part le centre Greentourism. Et bien sûr les moutons qui vont nous accompagner tout au long du périple. C’est le bateau pneumatique qui nous emmène à la découverte de l’île… Une promenade de +/- 8 km dans les terres sauvages râpées, les rochers, les falaises où les nombreux fulmars nichent. Au détour d’un tournant, dans la lumière dorée (eh oui nous avons cette chance d’avoir du beau temps !), un spectacle grandiose nous surprend : les macareux sont au rendez-vous. Ils ne sont pas farouches, nous pouvons les approcher et les admirer. C’est magnifique. Emotion pour nous tous. Evidemment les photographes sont heureux. On entend les clics des appareils dans ce paysage inhabité.
Et plus loin une petite île rocheuse les Fous de Bassan nichant sur les parapets. Incroyable. Beauté. Temps suspendu. Malgré l’odeur nauséabonde qui nous ramène à la réalité.
Nous rejoignons la rive pour repartir sur le petit canot et monter sur le voilier direction Moussa où nous ne nous arrêtons pas car Philippe nous avait prévenu qu’il fallait trouver un endroit à l’abri du vent pour mouiller son bateau. Et surtout par temps clair !
Les manœuvres sont effectuées par le skipper et les mousses apprentis. Christian part avec Philippe pour descendre les casiers et peut-être trouver des crabes. Malheureusement pas de pêche miraculeuse ! Par contre ils ont pêché des lieus jaunes que nous avons mangés avec bonheur. Délicieux !
Mardi 21mai.
Nous prenons la mer pour Fair Isle. Peu de vent le matin. Le moteur nous
aide à entrer dans le petit port. Manoeuvres à bord. Pas de difficulté pour
sortir du bateau. Nous abordons cette île avec curiosité. Charme sauvage
de l’île, 4,8 km de long et 2,4 km de large, la plus isolée au Royaume-Uni.
Elle a été achetée par la National Trust for Scotland en 1954 pour y créer
un observatoire permanent d’oiseaux migrateurs, assez rares. Le paradis
pour les ornithos ! Malheureusement le centre a été détruit par un
incendie, ce qui ne nous permet pas de rencontrer les gens qui y
travaillent. Malgré tout Christian est en contact avec les ornithos vivant
sur l’île et qui travaillaient au centre, pour les observations c’est important
de pouvoir les partager.
Nous effectuons une petite balade pour nous repérer. Nous devons y
rester deux jours pour faire le tour et observer.
Là aussi nichent des macareux moines et autres oiseaux, et à nouveau
magie du moment. Nous entendons le vent incessant, les vagues qui se
fracassent sur les falaises vertigineuses et les cris des oiseaux qui se
sentent bien chez eux.
Nous sommes en communion avec la nature du peu, de la rudesse des
paysages comme une présence peu commune. Nous sommes
déconnectés du monde extérieur. Sauf peut-être notre ami Luc, notre
geek comme va l’appeler Philippe, notre capitaine ! Et bien sûr Philippe
qui doit avoir des nouvelles du temps pour reprendre la mer.
Après le repas du soir, petite mise au point par rapport à la liste des
oiseaux vus. Liste non pas à barrer mais à ajouter ! Moi de mon côté je
reprends le tricot laissé en plan par une voyageuse islandaise. On se
demande ce qu’elle a voulu faire ! Un ruban rose de 4 cm de long… On
verra.
Pauvre Christian qui se cogne aux parois du plafond malgré les petits
drapeaux qui se balancent au gré des mouvements du bateau.
Nous dormons à l’abri du vent mais dans l’humidité. On s’habitue. Même
au fait de ne pas se laver, d’économiser l’eau, de garder des vêtements
chauds et les mêmes (presque !) les jours qui suivent.
Mercredi 22 mai. Réveil toujours aussi matinal. Nous prenons un bon petit déjeuner pour affronter les conditions météos qui ne sont pas des meilleures ! Avant tout cela nous devons passer un coup de chiffon sur les hublots pour enlever l’humidité et les gouttes qui ruissellent le long des parois et qui tombent parfois sur les couettes ou sur le sol. Condensation et impossibilité d’utiliser trop de chauffage. Le vent se lève, ce qui permet tout de même à l’éolienne de fonctionner et d’avoir plus de possibilité.
Nous sortons pour visiter le côté sud de l’île. Maisons éparses, une petite église aux jolis vitraux représentant la vie sur l’île. Pâtures, falaises, mer au loin. Petite pluie écossaise…
Une maison rouge et bleue nous (enfin les filles) attire car une vente de laine shetland et pulls y est proposée. Nous rencontrons une jeune fille française qui après avoir fait un stage de cinq mois comme bénévole au centre a décidé de vivre là. Elle tricote des jacquards : pulls, bonnets, mitaines…Elle est, à ses heures, pompier et a aussi une autre activité. Elle nous raconte son histoire. C’est intéressant. Pendant ce temps-là les hommes ont froid ! Et ne sont pas très contents de cette attente sous la pluie ! Fallait nous suivre !
Nous continuons notre marche dans les landes sous une fine pluie, dans la grisaille, vraiment cela ressemble à tout ce qui a pu être décrit dans les romans.
Et là sur un fil d’une barrière un oiseau ! Mais une espèce qui n’a pas encore été vue… En attente des observations. Grâce à une photo prise par Philippe Botte les experts peuvent dire que c’est un bruant rustique. De suite la découverte est envoyée à l’ornitho qui vit sur l’île et qui répertorie les oiseaux qui nichent ou migrent sur les terres de Fair Isle.
Nous déjeunons, abrités par un mur face aux rochers et à la mer.
Philippe, le capitaine, appelle Christian car les nouvelles de la météo maritime ne sont pas bonnes. Nous devons quitter le port plus tôt pour nous éviter une navigation plus difficile avec des vents de face plus forts, occasionnant un trajet de plusieurs heures. Nous remontons sur le bateau. Enfin plus difficilement, car surprise le niveau de la mer est descendu, la passerelle plus basse aussi ! Nous devons prendre une échelle le long du quai et sauter sur le pont. Marie-Noëlle et moi avons eu plus de chance car nous n’avions pas de difficulté pour attraper le câble. Par contre les autres ce fut un peu plus « hard », le câble coinçait la personne qui descendait ! Nous avons un peu ri de cette petite aventure.
Nous partons donc. Les voiles bien gonflées par le vent devenu bien plus fort. Le bateau penche et on entend du bruit à l’intérieur, tout n’était pas attaché ! On rangera après.
Un peu malade tout de même. Nous devons normalement aller vers la Baie de Hollande, mais c’est impossible.
Après cinq heures de navigation, nous nous arrêtons dans l’anse de Sanday. A l’abri !
Jeudi 23 mai. Départ 8h30.
Le capitaine décide de s’arrêter à Linga Holm. Le voilier mouille dans l’anse entre 2 îles pour éviter le vent. Le bateau tourne comme un manège.
Nous restons tous à l’intérieur tant le temps est mauvais. Nous en profitons pour ajouter quelques espèces à la liste ! Bercés par les vagues.
Déjeunons tôt pour sortir tout de même visiter cette île mystérieuse que l’on appelle île aux phoques. Pour cela nous devons à nouveau prendre le canot. Or il pleut et c’est plus agité que la première fois. Le skipper, Philippe B. et Christian partent les premiers. Ils sont bien habillés de leurs vêtements étanches, les appareils photos et jumelles bien protégés, malgré tout nous allons les retrouver bien trempés. Heureusement que nous avons trouvé des vêtements pour les marins d’eau douce que nous sommes ! Les galets glissent quand nous devons débarquer sur la rive.
Il pleut, il vente. Pas une âme qui vive. Pas de moutons. Deux maisons en ruine. Les falaises qui abritent les nids de fulmars. Dans la lande nous devons faire attention pour ne pas marcher sur les nids d’Eiders à duvet. C’est assez fantastique. Il faut imaginer un paysage fantasmagorique, entre la lande, la mer, les rochers striés noirs le long de l’eau comme des feuillets agglutinés les unes sur les autres. Palette de couleurs entre gris, vert d’eau, crème, noir… Tension. Désolation. C’est unique. De plus de belles observations ornithologiques. Nous sommes heureux.
Nous retournons dans notre petite maison sur l’eau où nous avons pris quelques habitudes.
Vendredi 24 mai. Dernière journée de navigation (déjà) vers Kirkwall. Belle navigation, agréable. Nous en profitons pleinement.
Arrivés au port vers 11h30, déjà bien occupé par de nombreux bateaux. Il faut trouver un endroit où s’arrêter. Philippe fait cela de mains de maître. Bouées, cordes, arrimage impeccable. Grâce aux mousses improvisés.
Il faut faire sécher les lits, matelas, draps… Nous avons enfin de l’électricité à volonté, nous ne devons plus économiser pour le moment. Et commencer à ranger.
Une bonne douche chaude, quel bonheur ! C’est vrai Philippe, tu as raison, c’est juste un merveilleux plaisir après quelques jours sans ce confort auquel nous sommes tellement habitués.
Nous nous baladons dans cette petite ville un peu plus commerçante que Lerwick. Nous visitons la Cathédrale et le musée (ils sont tous gratuits et sont formidablement bien agencés).
Fish and chips pour le repas du soir. Nous allons tous au pub écouter de la musique folk/country. Improvisation. Très sympa. Extinction des feux plus tardive.
Samedi 25 mai. Rangement du bateau, préparation des sacs et dernière balade à Kirkwall. Et en route pour l’aéroport où nous devons prendre un avion pour Aberdeen où nous resterons encore une nuit avant de rentrer les uns vers la Belgique, les autres vers la France.
Nous faisons nos adieux à Zérø-Infini. Dernière photo.
Une belle expérience tant au niveau humain, navigation, observation, découverte. J’aurais envie de dire j’y retournerai un jour !
Je ne vais pas oublier de mentionner nos aventures dans les toilettes où certains ont eu du mal à actionner parfois efficacement la pompe (rudimentaire, c’est vrai), les montées et les descentes du bateau, les nuits humides où les gouttes d’eau s’infiltraient sur les matelas et les draps. Les rires et les commentaires. La cuisine où on ne peut pas se trouver à deux. Le tricot achevé qui a trouvé une certaine place. Le bonnet que l’on gardait sur la tête pour le froid mais aussi pour cacher les cheveux pas coiffés ! Les pas incertains sur le pont. Les crottes de mouton qui collent aux bottes et qui ne doivent pas se retrouver sur le pont (attention semelles blanches !).
La liste des passagers :
Philippe le capitaine à la bouille de marin.
Christian mousse n°1 et accessoirement chef ornitho et géo.
Luc Rando Geek
Françoise mousse n°2 médecin et malade quelquefois.
Philippe et Françoise les lutins joyeux « même pas malades ».
Marie-Noëlle un livre à la main malgré les remous (et coupeuse d’oignons).
Karin « la fauvette babillarde » nommée ainsi par Philippe Botte.
Merci à Philippe Châtelain qui a été un capitaine très respectueux de notre inexpérience en navigation ; très attentif, il a pu nous donner des instructions simples et compréhensibles pour nous sécuriser tout au long du voyage.
A découvrir aussi
Inscrivez-vous au site
Soyez prévenu par email des prochaines mises à jour
Rejoignez les 460 autres membres