la balade de ZERØ à l'infini

la balade de ZERØ    à l'infini

Norvège du 27 février au 12 mars 2022 ( article rédigé par Christine D.)

Nous sommes partis entre amis. Eux, ils sont en famille, ceux qui nous accompagnent, la mer, le ciel, le vent, la neige, la pluie, le soleil…Ils se fréquentent depuis longtemps, se mettent parfois en colère, affichent une humeur sombre ou riante. Ils s’accordent ou s’affirment. La mer, mère portante, a Zérø dans ses bras, sur son coeur. Mer sombre, elle le berce un peu rudement. Tapis moucheté, tapis ondulant sur lequel Zérø glisse et prend la bride. Il a sorti ses ailes et appelle le vent. Entendez-vous, masse liquide et esprit aérien ? Que son chemin soit lisse !

            Appareillage d’Alesund le 27 février. le vent voudrait nous retenir, difficile de larguer les amarres. Les montagnes au loin émettent une vapeur étincelante. Nous avons le dernier mot. Beaucoup de vent mais, accommodant, il est d’arrière. Nous allons vers le nord, 400 miles nautiques pour rejoindre Bodø. Zérø respire, tenu de main ferme par les deux marins, Philippe et François, Bertrand le capitaine, et deux moussaillons, Jano et moi-même, discrets dans les manoeuvres mais tellement précieux à bord, soyons modestes ! Bon, surtout Jano, guide de haute montagne (ce sera pour la seconde semaine) et cuisinier auquel nous voudrions offrir des étoiles ! Sous le ciel bleu, les couleurs s’harmonisent, mer mercure, montagnes blanches, îles vertes, maisons de bois rouge.

 

Bertrand a choisi la route « intérieure » entre les îles et la côte, les îles brisent la houle. Nous dépassons parfois 10 noeuds. Premier pont sous lequel nous passons, toujours un frisson dans ces moments où la perspective se joue de nous. Premier mouillage au ponton. Eh, morue, réjouis-toi avec nous ! La fête est pour toi aussi ce soir, cadeau de notre mer nourricière.

            Ce matin, moment d’émotion, une partie de la baie d’Harøysundet est gelée, reflets apaisants.

 

 

 

Bertrand établit son programme en fonction du vent et de la mer, les coups de vent se succèdent. Aujourd’hui, 50 miles avec force 8 et une mer formée. Le coeur tient bon. Le froid ressenti nous rappelle ces latitudes septentrionales. Il pleut dru. Record de vitesse du bateau,15,3 noeuds ! Bravo, Zérø ! Personne ne s’est reposé cette nuit, une drisse oubliée a crié sa fatigue. Le lendemain, journée marquée d’un acte héroïque, n’ayons pas peur des mots. Depuis le départ, Bertrand avait remarqué que l’hélice ne se mettait pas en drapeau à l’arrêt du moteur, la marche arrière passe mal lors des manoeuvres. Un puits dans le cockpit permet d’accéder à l’hélice. Il ne suffit pas de plonger la main, il faut aussi être généreux de sa tête et de son torse. Eau à …4°C ? Qui s’y colle ? C’est Philippe qui en a les honneurs. Un bout était pris dans l’hélice. Vite ensuite se réchauffer !

 

Passage réputé difficile pour ce 3 mars, le Hustadvika, en mer ouverte. L’aurore  accorde un baiser pourpre à la mer et au ciel.

 

Eole (consulté par le capitaine) est avec nous, le vent est tombé, le moteur crache. Moment de lecture. Il nous reste 205 miles nautiques à avaler. Nous les ferons d’une traite avec une nuit en mer. Les veilleurs seront récompensés lors de cette belle nuit claire par le salut d’une aurore boréale.

 

 

Passage du 66ème parallèle à 3h pendant la nuit, Bertrand et Jano sortent le whisky…Et voilà Bodø. Afin de pouvoir refaire les réserves d’eau, nous sommes contre un quai très haut protégé d’énormes pneumatiques, il faut des talents d’alpiniste pour débarquer et embarquer ! Samedi 5 mars, Philippe et François nous quittent sous un ciel terne et aqueux.

 

 

            Changement d’équipage ! Annie, Bernard, Sylvie, Margot et Julien montent à bord.

Durant cette semaine, nous allons vivre au rythme du soleil, lever tôt, coucher tôt, avec et sans internet. Cette belle équipe est aussi venue pour le ski de randonnée, emmenée par Jano. Il va falloir attendre un peu et commencer par les seules joies nautiques sous des grains de grêle et chahutés par les vents catabatiques. Première nuit dans le fjord de Mistfjorden, seuls au monde dans le pays des trolls qui nous taquinent de rafales qui ébranlent le bateau mais nous accordent la lumière d’une aurore boréale. Pour adoucir notre sort, notre mer nous offre des kilos de moules que nous dégusterons avec des frittes Jano-made.

            Kjerriengøy est plus riant, long ponton, petite bourgade avec commerce, musée de plein air aux maisons aux toits d’herbe. Zérø y a de la famille. Un bateau extérieurement semblable à lui  mais plus petit, coque Alu et dérives orange est apponté mais c’est avec l’équipage d’un second bateau, coque Alu peinte en jaune, que nous échangerons. De loin, il a vu Zéro arriver, a senti de bonnes odeurs de sympathie et est venu faire connaissance. C’est l’occasion d’échanges sur les spots de ski. Malheureusement, la pluie nous est fidèle.

 

 

A 7h30, départ pour Stavjorden. La pluie a laissé place à la neige. Nous sommes dans la magie d’un paysage du bout du monde. Un haut ponton, plutôt des pilotis nous permettent d’accoster. Au-dessus, une plateforme de bois au bord de laquelle se trouve une cabane ouverte peinte en rouge. Nous sommes heureux, seuls au fond de ce fjord où la neige vient se mélanger à la mer, seuls, sans communication.

 

 

 

La météo s’améliore et nous partons explorer la terre du bout du monde ruisselant de cours d’eau, empreintes de traces d’élans. Quelques centaines de mètres de dénivelé pour arriver en haut d’une bosse. La neige est poudreuse là-haut. La descente est facile pour tous, sauf pour moi, je troquerai mes skis pour des raquettes. Nuit de repos. Le réveil se fait sous un temps plus clément. Un aigle pygargue à queue blanche a pris position sur une branche pas loin du bateau. Zérø n’a rien à craindre. Nous verrons le rapace planer au-dessus de l’eau, partage des ressources ! Comme partout, la mer est limpide, nous laissant apercevoir une étoile de mer. Personne ici ne viendra la chercher. Ski pour les skieurs, plus haut. Ils reviennent contents. Nous partons pour Langnes. Le crachin vient avec nous. Crêpes de Jano pour nous mettre en fête ce soir. Comme annoncé, la journée suivante est belle. Les plus téméraires affrontent les pentes, les arbustes.

 

 

Chacun a emmené un bout de son pays, de ses plaisirs, Margot et Julien font voler leur drône, je vais marcher un peu vers le front de mer. Nous repartons vers Kjerriengøy, coup de vent annoncé. Journée norvégienne, rencontre avec des poneys Fjords.

 

A Kjerriengøy, nous nous sommes enrichis d’une découverte. Bertrand a acheté de la morue et des foies de morue. Souvenirs d’enfance ou de ceux de nos parents…Jano les prépare avec une persillade. Ce mets est apprécié par plusieurs. J’en prends une bouchée. Ce n’est pas si mauvais mais c’est mou, mou. Cela me fait penser au « mou » que l’on donnait aux chats dans mon enfance (poumon). Une bouchée, je n’irai pas plus loin. J’espère avoir fait le plein en vitamines D pour un mois ! Le vent et la pluie sont là. Accalmie annoncée pendant la nuit et jusque’à 11 h le lendemain matin. Nous partons à 7h10 avant le coup de vent, pour Bodø, le matin. Un dernier salut à ces paysages de contes de fée, paysages de lumières jouant avec l’or, l’argent, les tons de gris et les couleurs les plus éclatantes. C’est vrai aussi que dans ce pays les habitants plongent tête la première dans l’eau glacée. Les Vikings, ils ont eu pour nous, lors de nos quelques rencontres, un accueil chaleureux.

Départ, c’est toujours difficile de quitter. A l’aéroport, nous croisons l’équipage suivant. Temps lumineux, la Norvège sourit.

 



17/03/2022
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