Les Lofoten en Hiver
Nous sommes Jeudi 31 Janvier, il est 21h00 ; il fait nuit déjà depuis 5 heures. Je m'immobilise devant ZERO que je retrouve . Il vient de passer seul quatre mois au ponton de Sorvagen, au sud des Lofoten.
Voila 30 heures que j'ai claqué la porte de l'appartement de Paris.
Métro + Bus + Avion 1, deux heures de sommeil à l'aéroport d'Oslo sur une banquette de bar ou je retrouve Aurélien et Florian, qui arrivent de Lyon. Le lendemain, jeudi donc, avion 2 jusqu'à Bodoe, retrouvailles et petit stop sur Cybele, bateau de Valérie et François qui hivernent à Bodoe. Puis ferry jusqu'à Moskenes, et enfin taxi qui nous dépose devant le ponton de ZERO.
On est un peu crevés de tout ce voyage et de si peu de sommeil.
Pourtant le spectacle qui m'attend me tient en éveil. A la lueur de nos frontales .
- un mètre de neige sur ZERO. La porte est bien sur impossible à ouvrir, je sais que les clés sont dans le coffre à gaz sous un mètre de neige aussi. Je reste sur le ponton a regarder .... un peu abasourdi.
- sur les 7 pare battages à poste, les 3 de devant ont éclaté, un a visiblement disparu... ça a du souffler fort. Je ne peux pas voir si la coque a souffert du manque de protection. il fait trop noir.
- sous le poids de la neige, la ligne de flottaison est bien enfoncée.
Je trouve une pelle sur le quai, Aurélien et Florian sortent les leurs, prévues en cas d'avalanche. On enjambe les filières, et on attaque un sillon pour accéder à la porte. Heureusement, je connais la topographie des lieux. Je veux dire, je sais , à peu près, où poser les pieds. pas sur les taquets qui doivent être ici, pas sur les winchs, là ... attention, là, il y a une marche d'un mètre pour atteindre le cockpit ....
En même temps, je dégage l'ouverture du coffre à gaz pour récupérer les clés.
Sillon fait, porte dégagée, je m'apprête à ouvrir le cadenas. Mais merde, où sont les clés ? Je les avais à l'instant dans la main. J'ai posé les gants....
Grosse angoisse, la clé et son porte clé blanc sont tombés dans la neige poudreuse à souhait .... pratiquement une aiguille dans une botte de foin. Il est 22 heures, il fait nuit noire, nous sommes crevés et enfermés dehors.
Restons calme.... je finis par les retrouver dans la poudreuse !
J'ouvre la porte et découvre un capharnaüm incroyable . Les coussins sont au sol, du matériel électrique laissé dans la cuisine est au sol.
Pas de courant pour alimenter le chargeur de batterie et assécher un peu l'intérieur.
Plein de moisissure partout ... Un froid sibérien dans le bateau. Le moral est dans les chaussettes.
Je fais un rapide check des fonds. Pas d'eau, sec. C'est déjà ça.
On rétablit le courant, pour avoir un peu de chaleur. On se jette dans le lit glacial. On verra demain pour le reste.
Après une nuit ou j'ai eu du mal à dormir. Excès de fatigue, froid intense, angoisse de ce que je vais découvrir à la lumiere du jour, de ce que je vais découvrir sous cet épais manteau de neige .
On se fait un café rapide, je saute sur le quai pour voir si l'absence de pare battages n'a pas abimé la coque. Rien, ZERO est solide. Ca va de ce coté là.
Et on attaque le déneigement. Quatre heures à trois. Environ quatre tonnes de neige sur le pont.
On déblaie au maximum. Pas de mauvaises découvertes.
Sur ce, le propriétaire des lieux arrive. Il nous explique que les Lofoten ont subi la plus grosse tempête de ces trente dernières années, début Janvier.
J'avais envie de l'engueuler un peu, parce que ZERO est plein de neige, sans courant, et avec des pares battages HS, mais il est tout souriant, jovial, et plein d'excuses. Je m'abstiens. Pas envie de discuter. Je suis plus concentré sur la remise en route.
S'ensuivent 3 jours de travail, à tout remettre en ordre. La chaleur revient a bord et dans nos ventres.
On peut dignement accueillir le reste de l'équipage pour partir naviguer vers Svolvaer.
Aurélien, Florian et Helmut partent quand même faire une randonnée à skis. Ils chaussent à la descente du bateau.
Parmi les grosses inquiétudes que j'avais, les deux moteurs en faisaient partie.
Mais après trois lancers, un coup de start pilot dans la prise d'air, le yamaha est reparti comme si on l'avait arrêté hier.
Le nanni de 115 cv a démarré aussi malgré une batterie bien faible .
Jessica, Rakel et Linda nous rejoignent et nous pouvons enfin larguer les ammarres, le lundi. Non sans avoir fait quelques courses, payé l'électricité consommée durant l'hiver et fini de préparer le pont.
Trois heures de navigation, 15 milles, durant lesquels, je surveille tout et vérifie tout, et nous entrons dans le micro port de Nusfjord. Village désert. Il est bondé en été. C'est un village musée adorable. Entierement sous la neige, le calme est assourdissant. On retrouve au quai, Fleur de lampaul, qui monte à Tromsoe pour la saison de ski. On le reverra.
Le mardi, il neige encore.
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