L'hiver au printemps
Récit de Christine qui revient d'un séjour de 2 semaines sur ZERO , à Tromsoe ( Norvege)
Norvège du 23 avril au 7 mai 2022
Je suis dans ma cabane, dans mon igloo, je suis dans le ventre de Zéro, à l’abri
des averses de grêle et du vent. Le reste de l’équipage (Philippe, Marie-Do, Bertrand,
Aline, Bertrand T., Bernard, Augustin) est parti faire un tour, skis de randonnée aux pieds.
Ils trépignaient dans l’attente d’une éclaircie, envie de neige, de sport, de glisse, goûter
une fois de plus au plaisir blanc. La neige est poudreuse, crêmeuse, délicieuse !
Eclaircie de bien courte durée. A nouveau un grain qui vient frapper le bateau et le
chahuter… Cette colère du ciel n’atteint pas ma sérénité, nous sommes bien amarrés à un
quai à Akkarvik. Le bateau vibre, les gants qui sèchent dans le carré se balancent au-
dessus du poêle. Nous sommes le 28 avril, depuis trois jours beaucoup de vent, de neige,
de mer. Hier, c’était « le Horn » pour arriver jusqu’ici. Philippe en témoignera, devenu
scaphandrier accroché à la barre. La mer est verte-grise, couleur de cendre, d’anthracite.
Un voile d’écume vole à l’horizontale, le vent est chargé de neige, raffales à plus de 30
noeuds. Le pavillon français tient bon. Ça secoue, ça cogne
Une fois le bateau amarré, nous nous retrouvons dans la douceur de l’intérieur avec un
chocolat chaud et des accords de guitare. Bertrand T. se débrouille avec 5 cordes,
mélodies des années soixante-dix qui nous amènent à fredonner…
A nouveau une accalmie avec un rayon de soleil. J’attends la prochaine « grosse
giboulée ». La Norvège offre un visage encore hivernal, on ne gagne pas son coeur si
facilement…
Les randonneurs secouent la neige de leurs skis, les yeux et les muscles abreuvés
de cet univers blanc. Pause déjeuner avant la navigation vers Tromsø. Le froid nous joue
des tours, des écoutes et un winch gelés. Nous avons de plus à gérer une panne de
refroidissement du moteur. Je ne suis pas inquiète, une voile et une barre peuvent suffire
à mener le bateau. J’ai vécu il y a plusieurs années une situation comparable, Bertrand
avait passé la nuit à la barre, cette fois-là il faisait chaud, au large de la Grèce, et le vent
manquait. Il fallait trouver un peu de brise pour rentrer au port. Les marins du bord nous
mènent dans le petit archipel d’îles au sud de Reynøya. Il est tard lorsque nous mouillons
à la voile. Du repos maintenant pour ceux qui ont passé ces nombreuses heures enfouis
sous les vestes de mer, giflés de neige glacée.
Le 29 avril, nous nous réveillons sous le soleil, temps clément pour les réparations !
Nous retrouvons l’abri de Tromsø. Ces moments dans des conditions rudes nous donnent
une connexion spirituelle avec les navigateurs du grand nord. Nous allons en apprendre
un peu plus au musée polaire. Nansen, Amundsen, quel courage, quelle détermination !
Nos aventures se poursuivent cette seconde semaine. Philippe et Marie-Do sont toujours avec nous. Olivier, Nathalie et Jean nous ont rejoints.
Ce dimanche 1er mai, nous naviguons sous le soleil, humeur tranquille pour rejoindre Vannøya. Arrêt randonnée sur le chemin et sept cabillauds dans le seau ! Le lendemain matin, le mauvais temps se réveille, vent, neige grêlée.
Randonnée malgré tout. Manque de visibilité, Philippe déclenche une petite plaque à vent. Il me dira avoir ressenti un sentiment de culpabilité, cet itinéraire, ce n’était pas une fatalité. De nombreuses pensées affèrent au même moment « sois prudent », situations déjà vécues…Un combat bref avec la pente… les plaques glissent sous ses skis…et s’échappent. Nous faisons une grande sieste. J’écoute le vent, je suis bien. Olivier a apporté un jeu de cordes pour la guitare. Jean et lui allument le feu !
Les heures de beau temps alternent avec des heures plus grises. De la neige dans le cockpit, voiles dehors, les écoutes grincent, l’estomac qui se balance de bâbord à tribord…Ce 3 mai, à Akkarvik à nouveau. Cette fois-ci, le soleil est généreux, des odeurs de poisson qui sèche viennent titiller nos narines. Je débarque. Je vais accompagner un peu les skieurs et faire ma ballade en raquettes. A la descente, la neige offre sa douce résistance, elle s’enflamme de nuances violettes. Je vais vers le clocher du hameau, le mât de Zérø. Les ombres se prosternent, je ressens du bien-être. Rentrée à bord du bateau, un vieux monsieur m’interpelle, il me demande si je suis le capitaine…Non. Sourire intérieur, sa question m’a flattée…
La boucle est bouclée, retour à Tromsø. Nous recevons des invités de marque, Olivier Pitras et sa femme. Échanges simples, les beaux projets des uns et des autres…
Les discussions pourraient se prolonger, le jour domine, il a chassé la nuit.
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